Focus placement : les Credit Linked Note (CLN), quels rendements pour quels risques ?
À la suite du mouvement baissier observé sur les taux à partir de février, l’offre en placements financiers s’est nettement réduite notamment sur une catégorie de support d’investissement très sensibles aux taux : les produits structurés. Pour continuer à alimenter l’offre en placements tout en affichant des rendements attractifs, de nombreux établissements financiers ont décidé de commercialiser des Credit Linked Note (CLN). Nous vous proposons, ce mois-ci, de décortiquer le fonctionnement de ces placements atypiques.
Le CLN est un dérivé de crédit qui offre à son détenteur une exposition crédit sur une entité donnée. Il combine les caractéristiques d’une obligation classique et d’une option de crédit (Credit Default Swap, CDS). En contrepartie d’un rendement supérieur à un produit plus conventionnel, l’acheteur du CLN prend un double risque de crédit : celui attaché à la banque émettant le titre et celui attaché à l’entité sous-jacente.
Attention, le capital n’est pas garanti à l’échéance. En effet, en cas d’évènement de crédit tel que défini par l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association), à savoir, une faillite, un défaut de paiement ou une restructuration, le capital pourra être réduit de façon partielle ou totale.
Exemple avec un CLN 10 ans BNP Paribas conditionné à une obligation Société Générale,
– En l’absence d’évènement de crédit, l’investisseur reçoit un coupon annuel de 2,22% sur une durée de 10 ans. A l’échéance, il récupère 100% de son capital.
– En cas d’évènement de crédit, le CLN est remboursé par anticipation. Le versement des coupons cesse et l’investisseur reçoit son capital multiplié par le taux de recouvrement défini par l’ISDA (perte en capital).
Le risque peut se réaliser.
Ces placements ont été à plusieurs reprises proposés aux Institutionnels ces dernières années. Toutefois, nous avons récemment observé quelques changements. En effet, pour compenser la baisse des rendements, les émetteurs ont augmenté la durée d’investissement mais surtout le risque lié aux entités de référence. Au lieu de sélectionner des contreparties de qualité, les émetteurs ont préféré utiliser des entités fragiles (Deutsche Bank par exemple) et/ou avec un rang de créance dégradé (SNP Société Générale par exemple).
De plus, il y a quelques années, des CLN ont été émis par diverses banques sur la contrepartie Rallye SA, maison mère du groupe Casino/Go Sport. Rallye a su séduire les investisseurs par ses actifs de qualité, notamment des actions Casino. Or, suite à un endettement excessif, Rallye a dû se placer, la semaine dernière, en procédure de sauvegarde. Il est fort possible que cette procédure aboutisse à une restructuration de la dette de Rallye, ce qui représente un évènement de crédit. Les CLN indexés à Rallye pourraient donc être remboursés par anticipation avec une perte en capital.
En conclusion, les CLN sont certes des produits potentiellement rémunérateurs mais il faut tenir compte de leur double risque de contrepartie. Il convient, lors de l’analyse d’un CLN, de bien identifier les contreparties, le mécanisme de rémunération et de remboursement du capital et la présence ou non de clauses spécifiques.
Par Pierre-Jean SERT et Pierre VERINE